II LA PAPESSE-
Gestation, accumulation-
Dans le Tarot, 2 est une valeur pure qui signifie accumulation (1+1). La papesse couve. Première figure féminine des Arcanes majeurs, elle apparaît associée à un œuf, sa tête aussi blanche que lui.(…)
Elle est doublement en gestation, de cet œuf et d’elle-même.
Symbole de pureté totale, La Papesse révèle en nous la partie intacte qui n’a jamais été blessée ni touchée, ce témoin virginal que nous portons, parfois sans le savoir, et, qui représente, pour chacun d’être nous, un puits de purification et de confiance, une forêt vierge inexploitée, source de potentialités.
(…)
Elle a fréquemment été assimilée à deux grandes figures mythiques : la vierge Marie, immaculée conception vouée à porter Dieu en son sein, et la déesse Isis, source magique de toute fécondité et de toute transformation. (…)
D’un point de vue négatif, on peut lire sa blancheur comme frigidité, rigidité normative, obsession de la virginité qui conduit à la castration, interdiction de vivre. Comme femme, elle peut être une mère néfaste qui ne laisse jamais éclore l’œuf et le couve d’une autorité glaciale.
Le livre présent dans l’Arcane indique que La Papesse est vouée à l’étude et à la connaissance. On peut penser que ce volume ouvert n’est autre qu‘elle-même, attendant qu’on vienne la déchiffrer, qu’on la réveille. Il renvoie également aux Ecritures saintes : La Papesse accumule le langage de Dieu le Père, le langage vivant.(…)
Dans le sens positif et initiatique, La Papesse prépare une éclosion.
La croix signifie que, bien que cloitrée dans la matière, elle appartient au monde spirituel.
Elle représente l’esprit pur qui habite en chacun de nous et nous appelle à communiquer avec cette force divine incorruptible.(…)
Dans une lecture
La Papesse fera souvent référence à un personnage féminin, la mère ou la grand-mère, qui a transmis soit un idéal de pureté, soit une froideur normative. Elle incarne aussi la mère froide, la femme sans sexualité, qui trouve sa justification dans une morale ou un idéal religieux, qui ne sait pas être tendre.
Mais son exigence de pureté peut nous mettre sur la piste d’une femme d’une haute stature spirituelle, une prêtresse, une thérapeute, une femme guide, quel que soit son âge.
Le livre peut aussi nous orienter vers les préoccupations du consultant liées à l’étude ou à l’écriture : La papesse devient alors un écrivain, un projet de livre ou de toute autre œuvre, la gestation nécessaire d’une action, voire une actrice qui reçoit un rôle à étudier, un ou une comptable, une lectrice assidue…Ou même la vierge Marie en personne.
Cloîtrée, La Papesse évoque l’isolement, l’attente, une solitude choisie ou subie.(…)
Le mystère de La Papesse trouve peut-être sa réponse dans son attitude vis-à-vis de l’œuf qui l’accompagne : si elle le couve dans une grande exigence et une haute solitude, il peut en sortir un Dieu vivant. L’Œuf d’autruche n’est-il pas, dans la religion catholique, un des symboles de la naissance du Christ?
Et si La Papesse parlait…
« J’ai fait alliance avec ce mystère que j’appelle Dieu. Depuis lors, je ne vois dans le monde matériel que Sa manifestation. Lorsque je contemple ma propre chair, du bois, de la pierre, j’y décèle l’énergie et la présence du Créateur. Chaque nuance, chaque tissu, chaque variation de la réalité est une de Ses apparences qui se manifeste dans Son infinie variété. Je vis dans le monde de l’énergie divine. Je palpite avec la matière, sous mes pieds la planète entière frémit : elle est encore une manifestation de lui, plus vaste. Je vibre au diapason de l’univers, avec le feu, les océans, les tempêtes, les étoiles…L’énergie de toute la création vient à moi.(…)
« Je vous offre donc de me rejoindre avec ce qu’il y a de divin en vous. Votre souffrance est impure, votre passé est impur, ne venez pas à moi avec ce qui est pollué, sortez de cet état. Car l’impureté est une illusion, de même que la culpabilité. (…)
« Comprenez que rien n’est à vous, que vous ne possédez pas ce corps, ces émotions, ces pensées. Tout cela est à Lui, à l’Inconnu éternel et infini qui vous habite. Donnez-vous à lui. Recevez-le.
« Je suis impitoyable, j’exige que vous fassiez ce travail et que vous abandonniez , pour vous unir à moi, tout ce qui n’est pas digne de devenir le calice ou la divinité pourra se loger. Je suis comme ces temples ou l’on pratique l’exorcisme, ou il faut ôter ses chaussures pour entrer, ou l’on purifie l’air avec des encens, ou on lave les croyants avec de l’eau bénite.
« En union avec la puissance que je perçois dans tout, mes faiblesses et mes doutes s’évanouissent.(…)
Je suis plongée dans mon œuvre et personne ne m’en fait dévier. Personne ne peut me prendre ou m’attacher avec ses sentiments, ses désirs, ses projections mentales. On ne me distrait pas. Nul ne peut me faire dévier de ce que je veux. moi-même, je ne veux rien, j’obéis à la Volonté divine.
« Je ne suis pas indulgente, je suis inflexible. Je ne détiens aucun secret, car je suis vide. Je me donne à Dieu, qui est le seul secret. »
Extrait de « La voie du tarot » de Alexandro Jodorowski. Editions Albin Michel.